Nyon, le 9 février 2020, les détracteurs du « mur de la honte » crient victoire. Le mur sera détruit, et avec lui un fragment de nature inaltérée – la grande beauté – qui depuis toujours était là, sans changer, sans bouger, et ses habitants étaient heureux, sans le savoir, sans le vouloir.
Pourquoi les choses doivent-elles toujours changer ?
Détonation, fracas, le mur n’est plus. Trois remparts – la guérilla – se dressent. Ils sont à présent les gardiens des souvenirs de mon enfance. Les vestiges du passé se trouvent là, empilés, éventrés, comme si ils avaient toujours existé, à demi perdus dans le fouillis de la végétation. Tout y est, les tunnels de feuillage sombre, le chant des oiseaux, les chemins secrets, l’odeur de la terre humide, les chats sauvages, le séquoia centenaire, le silence d’autrefois chargé de magie et de mystère gardé sur le fond par trois colosses cuirassés.
Lorsque le décor devient pauvre, la vie est glorifiée.
Le décor, les remparts habités, eux, énoncent une architecture de guérilla, matériellement pauvre mais riche d’inventions et de fantaisies. À l’intérieur des remparts une façade inachevée – une «ruin in reverse» – renferme un monde atemporel tandis qu’à l’extérieur un geste affirmé, moderne et universaliste, rompt tout lien avec la ville en exaltant un joyau du patrimoine local : la brique de verre.*
La tradition est un défi à l’innovation.
Enfin la nuit tombe et laisse place à un extravagant ballet destiné à étancher la soif de futilités mondaines de ceux qui renient encore la grande beauté et dansent dans les hautes sphères sans la voir, avant qu’un jour, au crépuscule, elle leur apparaisse, à eux aussi, resplendissante… *Gustave Falconnier, inventeur de la brique de verre, est né à Nyon le 6 juillet 1845.