Vivre avec le feu et l'eau

Réanimation d'un moulin à Sauveterre

Louis Merle d'Aubigné

Groupe de suivi:

Marco Bakker (architecte)
Luca Ortelli (architecte)
Johannes Natterer (ingénieur)
Adrien Verschuere (architecte)

La neige et la glace pyrénéennes fondent doucement au retour du soleil.

Ces quelques gouttelettes se mettent ensemble et forment des ruisseaux fiers qui dévalent les vallées. Le Gave d’Aspe et le Gave d’Ossau, cours d’eau qui dévalent les vallées du même nom, confluent pour former une rivière au débit puissant, le Gave d’Oloron. C’est un peu avant d’arriver au village de Sauveterre de Béarn, qu’un canal dévie une partie du Gave et bientôt ces gouttes devenues si rapides sont ralenties par une grande roue horizontale en bois. Ce rodet entraîne une grande pierre ronde et rainurée contre une autre « dormante » immobile. Lorsque l’on fait glisser du blé ou du maïs entre ces deux pierres, de belles moutures blanches et dorées en sortent qui sont ensuite tamisées pour donner de la farine. Elle est ensuite stockée plus haut ou amenée dans la pièce adjacente: dans la grande cuisine animée elle est transformée en pâte puis enfournée dans le grand four à pain.

Le feu, nécessaire au préchauffage, fume les quelques truites et les petits gibiers attrapés dans la rivière voisine ou dans la friche environnante, suspendus à la charpente. Les pêcheurs et les chasseurs du coin sont venus les partager ou les sécher, pour les réserver pour un moment plus opportun. Le feu qui cuit le pain réchauffe également l’eau des bains communs se trouvant dans la pièce d’à côté. La chaleur retenue par la masse de la grande cheminée en pisé est également redistribuée dans la haute tour de logement qui se trouve au-dessus du four. Chaque niveau est un refuge pour la nuit, un espace dense partagé par plusieurs générations.

 Ces familles ont réanimé le moulin de Munein qui dormait là depuis presque cent ans en récoltant du bois de la friche et de la terre qui bouchait le canal du moulin. Les ruines existantes aux fondations solides ont été couvertes par une grande toiture, les murs blessés ont été prolongés par de grandes branches servant de cadre à un torchis de terre léger. La tour à habiter vient prendre appui sur l’existant tout en accompagnant la cheminée qui la traverse.

On vit au rythme du jour, des saisons et de la neige liquide.